2021

GRÉGOIRE ELOY

Né en 1971, Grégoire Eloy est photographe documentaire depuis 2003. Pendant 10 ans, il a voyagé dans les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale pour des projets au long cours sur l’héritage soviétique et les guerres du Sud Caucase, notamment ses séries Les Oubliés du Pipeline (2006) et Ressac (2008-2013). En 2010, il collabore avec la communauté scientifique pour une trilogie sur la science de la matière qui a fait l’objet d’une série de livres monographiques dont A Black Matter (Journal 2012) et The Fault (RVB Books, 2017). Le dernier volet, sur la glaciologie, est en cours. Depuis 2015, il s’intéresse à notre rapport à l’environnement et au sauvage lors de résidences immersives en milieu naturel (résidence du Guernsey Photography Festival 2018 et du Tbilisi Photo Festival 2020). Grégoire Eloy est lauréat de la Bourse du Talent Reportage en 2004. En juin 2021, il obtient le prestigieux Prix Nièpce Gens d’images. Il est membre du collectif Tendance Floue depuis 2016.

Il vit à Paris.

THÉMATIQUE(S) : Sciences de la matière et de la glaciologie 

OSSOUE
Étude d’un glacier, échelles et modes de représentation.

La fonte des glaciers est inéluctable, c’est un fait. Dans les Pyrénées, plus encore qu’ailleurs, rien ne pourra freiner ni inverser la tendance. Les glaciers vont disparaître. Ce qui l’est moins, perdu, c’est le pouvoir de fascination que les glaciers exercent sur nous. Face à eux, on ressent un sentiment étrange, un mélange d’effroi, d’émerveillement et de familiarité. Ils semblent nous dire quelque chose de nous, de nos origines, comme un miroir déformant. Les glaciologues accompagnent leur déclin jusqu’au moment où ils finiront par retirer les balises, les instruments, et se tourneront vers d’autres massifs, plus élevés, plus protégés probablement. 

Le glacier d’Ossoue, l’un des principaux glaciers des Pyrénées, ne fait pas exception. Sa disparition est prévue pour le milieu de ce siècle. Serti à 3000m d’altitude entre les sommets du massif du Vignemale, curiosité géologique entourés de parapets vertigineux au-dessus de l’Espagne, ce glacier attire et fascine les explorateurs, photographes, auteurs depuis l’invention du pyrénéisme, pratique contemplative et sensible de l’alpinisme. 

J’ai voulu rendre hommage au glacier bientôt disparu en adoptant la démarche du glaciologue. Je me suis plongé dans les archives du Museum d’Histoire Naturelle de Toulouse pour me mettre dans les pas d’Eugène Trutat, pyrénéiste, pionnier de la photographie de montagne qui réalisa les premières photos du glacier au XIXème siècle ; j’ai accompagné Pierre René et les bénévoles de l’Association de glaciologie Moraine, pour les mesures d’évolution du glacier ; j’ai suivi Simon Gascoin, chercheur CNRS, nivologue au CESBIO/OMP – Centre d’études spatiales de la biosphère/Observatoire Midi-Pyrénées (CNRS/UPS/CNES/IRD) et Etienne Berthier, chercheur CNRS, glaciologue au LEGOS/OMP – Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales/Observatoire Midi-Pyrénées (CNRS/UPS/CNES/IRD), spécialisés dans le traitement d’images satellitaires stéréoscopiques. 

Photographie historique, satellitaire, empreintes argentiques du paysage, j’ai cherché à me placer à tous les niveaux d’échelle du temps et de l’espace, démarche qui permet aux glaciologues de reconstituer l’histoire et prévoir l’avenir des glaciers. 

Eugène Trutat, Pierre René, Simon Gascoin, Etienne Berthier n’auront pas sauvé le glacier d’Ossoue mais ils en auront pris soin, ils l’auront connu.

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